Les eaux de ruissellement en zone urbaine sont-elles polluées ? - ch. 3 : Traquer les suspects Quelles sont les étapes pour identifier et quantifier les polluants ?

, par Michel Bastin, Nawal Ramy

La pollution est-elle présente sans doute . En tout cas, elle n’est pas toujours visible. Rien ne permet à première vue de distinguer un sol chargé de plomb d’un sol qui en serait indemne. Néanmoins, divers éléments observables peuvent nous donner des indices

De même, une eau claire peut n’est pas si pure qu’elle apparaît, et une eau trouble pas si polluée.

C’est en observant, mais aussi en effectuant des tests aisés, en se documentant, en discutant que l’on peut se faire une meilleure idée de la réalité dans une situation donnée.

Voir aussi panneau de l’exposition La phytoremédiation et qualité de l’eau, une affaire citoyenne ?

Alors, comment savoir ? Comment identifier les suspects ?

« Ce sol où nous désirons planter nos choux est-il contaminé ? » Cette question se pose régulièrement à celles et ceux qui désirent produire fruits et légumes en ville, soit pour leur alimentation propre, soit pour en faire une activité économique ou simplement pour renouer avec les cycles du vivant. Cet article est d’ailleurs largement inspiré du vécu de telles expériences, auxquelles plusieurs recherches tendent à répondre.

Nous partons donc de l’approche des sols pour ensuite voir comment des questions similaires peuvent être posées au sujet de la qualité des eaux.

Car les questions que l’on se pose au sujet du sol peuvent se poser aussi sujet des eaux qui y ruissellent, y stagnent, etc.

Observer, sentir……

Certaines pollutions sont aisément détectables (odeurs de solvants). Un terrain jonché de déchets, ou dont le sous-sol est de toute évidence constitué de remblais (déchets de construction) éveillera nos soupçons.

Bruxelles-Environnement propose une check list invitant à une « observation systématique du terrain » Voir ici.

Des eaux irisées trahissent la présence d’huiles lourdes… mais pas forcément. L’irisation peut aussi être simplement due à la présence de pollens ou d’autres matières végétales.


source : https://www.genialvegetal.net/

Les plantes peuvent (à nouveau) venir à notre secours en indiquant, par leur présence sur un terrain ou sur un plan d’eau, l’existence de telle ou telle pollution ou de perturbation. Ainsi la tristement célèbre renouée du Japon (Fallopia ou reynoutria japonica) [illu] prospère notamment sur des sols chargés de pollutions d’origine agricole (porcheries, poulaillers, etc.) ou urbaine, et/ou contenant des quantités notables de divers polluants tels que pesticides de synthèse, antibiotiques, etc.
 
Mais observer, regarder et sentir ne suffit pas.

Se documenter

Toute enquête pose la question de ce qui s’est passé sur tel site, des activités qui y ont eu lieu, ou à proximité de tel plan d’eau....

Comme dans toute enquête, on glanera des témoignages de voisin-es, d’actrices et acteurs locaux, qui pourront nous donner des indications précieuses.
On se plongera dans les archives en particulier communales (quand elles sont accessibles). Toute activité économique doit faire l’objet d’une demande d’autorisation, c’étaient anciennement les enquêtes commodo-incommodo”, aujourd’hui appelées demandes de permis d’environnement. Le permis d’environnement donne « l’autorisation d’exploiter une activité qui comporte une ou plusieurs installations classées [ ] qui risquent d’avoir un impact sur l’environnement ou le voisinage ».- ceci aux termes de ordonnance régionale de juin 1997 qui les régit. (Voir ici pour en savoir plus.)
 
On interrogera également les textes législatifs. Le plan de gestion de l’eau de la RBC, et la Directive cadre européenne eau préconisent une amélioration de la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines. La Région s’attelle aussi, depuis 17 ans à la problématique des sols, dans le cadre de l’Ordonnance sols (version en cours :juin 2017) qui a pour objectifs de prévenir d’éventuelles pollutions de sol, d’en identifier les sources potentielles, de clarifier les modalités d’assainissement des sols pollués ou de leur gestion.

Et on lira dans les cartes. Tout particulièrement la « carte de l’état du sol » établie par Bruxelles Environnement dans le cadre de l’Ordonnance sol. Ce travail reprend parcelle par parcelle (quand l’information est disponible) des informations relatives à des pollutions probables ou avérées. Voir ici.
 
Mais la carte n’est pas le territoire, les archives peuvent être incomplètes, et toutes les activités n’ont pas été déclarées. Tout ceci ne suffit donc pas pour déterminer avec précision à quel type de polluants on a à faire et en quelle quantité.

Procéder à des tests rapides

Certains tests sont aisés à faire à l’aide de matériel peu coûteux et, pour tout dire, à portée de chacun.
Un simple kit disponible en jardinerie permet d’effectuer une analyse de pH et d’humidité.

D’autres kits, un peu plus complets permettent de mesurer :

  • le pH,
  • la concentration en azote totale incluant le nitrate, le nitrite, l’ammonium et l’ammoniac,
  • la concentration en phosphore totale,incluant notamment les phosphates,
  • le potassium total,
  • la conductivité,
  • le calcium et la chaux,
  • le magnésium,
  • divers composés d’azote et de phosphore,
  • la température,
  • etc.

Ceci nous renvoie au dispositif de monitoring collaboratif et extensif des eaux de surface à Bruxelles actuellement expérimenté au sein de SmartWater projet dont les EGEB sont parties prenantes.

Les résultats des kits offrent un aperçu très intéressant de l’état des sols ou des eaux, surtout lorsqu’ils sont couplés avec les conclusions des étapes antérieures.
Cependant, leur utilisation présente des limites. Les sources d’erreurs sont nombreuses. Citons entre autres le mauvais calibrage du kit, un entretien irrégulier, des échantillonnages peu représentatifs, des erreurs dans le suivi du protocole et dans l’interprétation des résultats… Ceci, sans évoquer l’impossibilité d’analyser la teneur de certains polluants, tant leurs analyses nécessitent un appareillage coûteux et sensible, ainsi que des compétences techniques particulières.

Les étapes de l’enquête, la documentation, les observations et les tests nous auront aidés à préciser les questions que nous nous posons : tel site, tel ruisseau ou tel plan d’eau, est-il potentiellement pollué ? Par quels polluants ? Quelle est l’ampleur de ces pollutions ? Faut-il s’en inquiéter ?

On en arrive aux analyses en laboratoire

Ces questions nous en amènent une autre : faut-il commander une analyse à un laboratoire agréé, universitaire ou privé ?

Une telle analyse a un coût. D’autant plus élevé que l’on souhaite connaître une réponse à un plus grand nombre de questions. Chaque type de polluant demande en effet un type d’analyse spécifique.

Les informations et observations effectuées au cours de l’enquête orienteront la commande d’analyse. C’est un peu comme une prise de sang. Notre médecin traitant nous la recommande, en indiquant sur le formulaire adressé au laboratoire d’analyse ce qu’il estime important de connaître : taux de fer ou de glycémie dans le sang, etc.

Il nous faudra alors prélever des échantillons (d’eau ou de sol). Il y a des bonnes pratiques à respecter pour que les résultats de l’analyse ne soient pas impactés, voire faussés par un mauvais échantillonnage. Ainsi, il faut éviter d’utiliser des outils rouillés et veiller à utiliser des récipients propres, secs, etc. Ici aussi (du moins pour les prélèvement de sol), BE (Bruxelles Environnement) nous prodigue quelques conseils pratiques - voir lien.

Viendra alors moment d’arbitrer....

Voir article suivant.