La ville a refoulé l’eau, sortons l’eau des tuyaux

L’eau, depuis longtemps est devenue affaire technique. Déjà le puits d’autrefois ou le moulin à eau étaient des outils demandant des connaissances spécifiques et des savoir - faire élaborés. En ville, cela fait longtemps que l’on ne boit plus l’eau à la source. L’eau potable que nous usons quotidiennement nécessite le recours à diverses technologies pour la capter, la potabiliser, l’acheminer.

Pour beaucoup, les choix techniques qui ont contribué à façonner la ville que nous connaissons aujourd’hui sont le fait de formes centralisées de gestion. La technique et le technicien sont considérés comme neutres, non conditionnés par l’organisation sociale et ne structurant pas cette dernière. La rationalité technique, étant perçue comme un progrès social en tant que tel, n’a souffert d’aucune critique. L’eau est devenue affaire de tuyauteries.

Si l’on peut dire que les techniques ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi, elles ne sont pas neutres pour autant. Les choix techniques conditionnent les formes de participation à leur gestion, leur impact économique et écologique. On le voit avec la Station d’épuration de Bruxelles - Nord (STEP Nord), outil de masse qui centralise la technique, et donc la finance, et risquant de sortir un peu plus du giron du service public, les partenariats public - privé se faisant le plus souvent à l’avantage de ce dernier. Inversement, la manière dont on s’organise pour gérer la question de l’eau - les formes d’organisation sociale et économique que nous créons donc - induit des possibilités technologiques différentes.

Les Nouvelles rivières urbaines (NRU) sont une des manières d’en rendre compte. L’idée ici est de considérer des formes techniques renouvelées permettant et augmentant les cycles écologique de l’eau en ville, ce qui nécessite une organisation de la gestion fortement décentralisée demandant une ‘participation’ à la ‘gestion’ de nombreux acteurs différenciés. Le grand avantage est que cette notion est directement compréhensible, renvoyant en effet à un imaginaire poétique et collectif. En ce sens, voilà que la gestion de l’eau ne se confine plus à la seule question de l’eau en tant que telle, mais elle devient une question tout autant urbanistique. La rencontre de ces deux champs n’est pas sans conséquences multiples, économiques, sociologiques, organisationnelles, etc.

Ceci dit, il est évident que la question de l’eau ne se résume pas uniquement aux NRU. Au-delà, il y a les questions qui touchent tant à l’eau de distribution, qu’à l’assainissement, au recyclage, aux substances chimiques que nous rejetons, etc. Des technologies diversifiées se développent tant en ce qui concerne l’eau de ville que l’eau que nous rejetons ou que nous pourrions ne pas rejeter. Comme par exemple avec les toilettes sèches. Ces techniques ne sont pas connues du grand public. Autre exemple peut-être à étudier : l’idée de ne pas approvisionner les ménages en eau potable mais de leur fournir une eau non potable qui serait potabilisée au sein même du logement par un procédé d’osmose inverse...

Il ne s’agit donc pas de faire table rase du passé, mais d’envisager aujourd’hui les possibilités techniques différenciées à analyser à chaque fois en fonction de leur impact écologique, économique, social et de prendre conscience que leur choix est aussi fonction de l’organisation sociale et des situations écologiques spécifiques qui créent leur condition d’apparition. Chaque situation est donc à analyser et penser. Cela pourrait justifier la création d’un espace de recherche spécifique en la matière.

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